
Jesu Moratiel
ARTISTE MULTIDISCIPLINAIRE
Jesu Moratiel est né à A Coruña en 1993. Il est diplômé en Beaux Arts de l’Université Complutense, et a reçu les honneurs pour son projet de fin d’année. Il travaille et réside aujourd’hui à Madrid.
Son travail évolue dans plusieurs disciplines, de l’installation et de la sculpture au photocollage, en passant par la peinture et l’animation 3D. Son éclectisme accroit les caractéristiques intrinsèques des matériaux et supports qu’il utilise : la nature écologique et isolante de la résine en tant que capsule temporelle, sa transparence et son éclat contrastants avec son caractère de relique; mais aussi la densité chromatique des détergents et des produits du quotidien basés sur leur volume et leur fluidité. D’autre part, le travail digital de Jesu s’intéresse à son caractère entièrement artificiel, généralement éphémère puisque perdu dans l’archéologie du réseau et dans la surface plane du pixel et de l’écran LED.
Son travail s’inscrit dans quatre thématiques fondamentales : la vie (et en tant que conséquence, la mort), le sexe comme phénomène originel de la vie, l’influence des sciences et de la technologie dans les sociétés contemporaines et la configuration des relations sociales. Moratiel s’imprègne des archives artistiques et anthropologiques de cultures universelles, de leurs mythes et croyances, pour configurer un réseau réfléchi d’allégories aux origines des préoccupations humaines. Elles sont proposées d’un point de vue très personnel et marquées par des expériences traumatiques dans une enfance facile, comme la double séparation de ses parents et la mort prématurée de leur amie Carlota.
On pourrait ainsi parler de ses travaux théoriques et pratiques comme d’une stratification de concepts qui entrent dans la réflexion des conséquences des influences scientifique, historique, technologie et sociale de cette entéléchie qu’est l’Humain. Par exemple, dans certaines de ses oeuvres en ambre, des milliers d’abeilles mortes participent en tant que conséquence des pesticides et du réchauffement climatique. Loin d’être limité au problème environnemental qui caractérise notre ère – et en particulier à la catastrophique disparition des abeilles -, cela partage avec Aristote, Hume ou Manderville la métaphore comparant l’apiculture et les sociétés humaines pour plonger dans des concepts tels que la perte de l’identité et de l’individualité en faveur d’un déplacement de masse, le « frelon » situationnel dans lequel nous vivons ou la dissolution des frontières géopolitiques. De plus, avec ces « encapsulés » en résine, cela accroit théoriquement et en pratique l’exercice de la conservation de la matière organique (avec tout l’intérêt biologique que cela peut entraîner), une pratique scientifique similaire à ce que Mircea Elíade identifie comme l’intérêt religieux de la transcendance de la chair. Sans surprise, Jesu joint à ses oeuvres un document autorisant la communauté scientifique internationale à les utiliser si le besoin se pose, à des fins de recherches biologique, chimique, technologique…
Ce qu’il appelle donc la science fiction de l’art contemporain, est configuré dans une série de recommandations esthétiques qui trouvent leur origine dans son intérêt pour la nature et la science, conférant à sa méthode un moyen de formellement structurer son travail, caractérisé par l’organisation en série, la répétition et la classification. Ses oeuvres sont présentes dans diverses collections privées et dans des fondations telles que La Gaceta de Salamanca ou la fondation Caja Duero. Il a aussi travaillé avec des galeries comme Cerquone Projects (Madrid et Caracas), LA Studio (Madrid), ou la Gallery Red (Majorque).
Oeuvres
d’art sélectionnées

A Geopolitical Truth , 2019
Abeilles mortes à cause du changement climatique, résine de polyester transparent, pigment, méthacrylate, acier inoxydable 163 x 230 x 10 cm L'artiste souligne la dure réalité que subissent ces insectes hyménoptères, base de la chaîne trophique pour leur rôle d'agents pollinisateurs des angiospermes. On estime que 70 % des cultures alimentaires que nous consommons sont pollinisées par elles, ainsi que les principes actifs de nombreux médicaments.
When empires fall down , 2015-2019
Carte mémoire SD, fichier Wikipedia, résine de polyester transparente, pigment 20 x 10 x 10 cm 8+2 AP
The origin of a thought , 2018
Abeilles mortes, fleur, résine de polyester transparente, pigment, acier inoxydable 150 x 99 cm
Destino , 2019
Foetus de poule, résine de polyester transparente, pigment, méthacrylate, acier 45 x 85 x 5 cm
Chronicles of a massacre: hunger, war, plagues, deicide (or the death of hope) , 2018
Abeilles mortes, résine de polyester transparente, pigment, méthacrylate, acier laqué Mesures variables (70 x42 cm chacune)
One hundred years of solitude , 2016
Cent foetus de poule, résine de polyester transparente, pigment, lampe LED, acier inoxydable, verre 100 x 100 cm
A violent scene in which nothing will ever happen , 2018
Lézard, abeilles mortes, plantes carnivores, foetus de souris, résine de polyester transparente, méthacrylate, acier inoxydable 61 x 100 cm
A Bigmac of bees displayed in a golden triangle , 2018
Abeilles mortes à cause du changement climatique, résine de polyester transparente, pigment, méthacrylate, acier inoxydable 200 x 124 x 4 cm
Un Lunar en el Sol , 2018
Abeilles mortes à cause du changement climatique, résine de polyester transparente, pigment, méthacrylate, acier inoxydable 100 x 61,8 x 4 cm
Projets

Coexistence
Le projet met en scène le contact inter-espèces comme une métaphore des processus de relation et de communication entre différentes communautés organisées. La performance introduit pour la première fois un nouveau facteur : une nouvelle communauté ou culture pour simuler expérimentalement un processus social corrélatif et il vise à établir des ponts entre plusieurs points de réflexion. D’une part, approcher les gens par le biais d’une mise en scène scientifique et respectueuse d’un monde merveilleux, une société avec sa propre culture pas si loin de chez elle. Ainsi, ce projet cherche à faire réfléchir les gens sur notre rôle dans l’écosystème, et à tirer des conclusions sur le respect de la biodiversité et des différents agents vivants. Où est l’équilibre entre la cohabitation et l’exploitation des relations trophiques ?

The Example
Ce projet est configuré comme un message modèle envoyé à nous-mêmes et aux générations futures. L’œuvre est une tombe de marbre qui s’inspire des anciens mausolées. Elle est construite autour d’un bloc de résine acrylique qui contient un martyr de l’ère contemporaine et qui possède une décoration en haut-relief représentant les principaux événements de l’histoire de l’humanité au cours du siècle dernier : Einstein et le développement de la physique quantique ; la Seconde Guerre mondiale et la bombe atomique d’Hiroshima et de Nagasaki ; la chute du mur de Berlin ; la conquête de l’espace et l’arrivée de l’homme sur la Lune ; le développement des nouvelles technologies ; le World Trade Center et la chute des tours jumelles ; le développement de la médecine et de la biotechnologie ; la sensibilisation à l’environnement ; la lutte contre la faim et les inégalités ; le conflit au Moyen-Orient : migrations et réfugiés.
David Rees – ¿Abejas?
Le dernier clip musical de David Rees met en scène l’une des œuvres de l’artiste : A Bigmac of bees displayed in a golden triangle. La sculpture véhicule visuellement le sens des paroles – l’analogie continue entre la personne désirée et la reine des abeilles.

Sons of the hive
Ce projet est configuré comme une installation spécifique au site, composée de plusieurs étagères avec un millier de sphères en verre optique. L’image d’un fœtus humain est gravée au laser en 3D à l’intérieur de chacune d’elles, et la pièce est éclairée par des bandes lumineuses LED. Elles s’articulent autour de l’idée d’aliénation de la vie avant même la conception. La production des sphères, qui se fait industriellement, va de pair avec le concept de standardisation de l’individu. Par la répétition de ces globes et les bandes lumineuses LED qui les influencent, une relation liturgique et déroutante est recherchée par le spectateur au sein de l’installation. Sons of the hive met en lumière des enjeux philosophiques actuels tels que la production sociale, la conversion de l’individu en une entité standardisée basée sur des pratiques de travail et de consommation, la dissolution de l’individualité au profit d’une masse collective répétitive.

Oedipus
Ce projet est une installation lumineuse pour un espace ouvert. Il se matérialise sous la forme de quatre structures, l’une à l’intérieur de l’autre, avec la forme de chacune des étapes d’une vie humaine. Au fil du temps, chaque phase s’éteindra au moment où la durée moyenne de ces étapes durera. Par exemple, la structure correspondant à la période embryonnaire sera éteinte neuf mois après avoir été allumée, la période correspondant à l’enfance sera éteinte à douze ans, et ainsi de suite. Inspiré par le mythe classique d’Œdipe et le principe aristotélicien de l’acte et de la puissance, ce projet est une réflexion philosophique artistique sur le concept du temps et de l’évolution de la vie.